elle ne rêvait que des hautes lumières. déjà toute petite, elle s'imaginait se déhancher dans les cabarets de las vegas ou danser sur les plus grandes scènes de paris. ô qu'elle aimait danser. elle adorait qu'on la regarde. elle, la petite princesse aux cheveux de corbeaux. briguait l'attention de quiconque daignait la lui accorder. désir ardent d'être reconnue depuis toujours et pour toujours. elle ne rêvait que des hautes lumières et dans son esprit enfantin, les hautes lumières ne rêvaient que d'elle. gourmandise. ce fut le premier des sept. c'était simple: elle voulait tout. mais son désir ne se portait que sur ce qu'elle ne pouvait pas avoir. spécialement l'audience du seul qui comptait vraiment.
son père.
c'était un homme méprisant et méprisable qui avait pour seul amour la poudre qu'il vendait aux âmes pourries du quartier d'à côté. il avait aimé une femme un jour. tellement fort qu'il lui avait brisé le cœur juste avant de lui briser le cou. un cadavre enterré dans une tombe vide du cimetière à la lueur de la lune complice et un secret lourd comme le plomb cousu aux lèvres de jeunes enfants. « elle a commis l'irréparable. elle a osé aimé quelqu'un d'autre que moi. » c'est qu'il avait dit à ses gamins éplorés qui venaient de perdre leur mère. « l'amour fait mal, n'essayez jamais. » peut-être qu'ils le crurent. peut-être qu'ils le savaient déjà.
après ça, papa n'était plus comme avant. il buvait moins, compensait sa faible alcoolémie par des rails d'euphorie blanche. il y avait tout le temps des nouvelles filles à la maison aussi. des jeunes, des moins jeunes, des jolies, des laides. mais surtout toutes des putes. et elle était jalouse la gamine au nom d'étoile. ce fut la naissance d'avarice. car c'était son père à elle, rien qu'à elle. alors pourquoi toutes ces pimbêche l’appelaient-elles daddy ? et avarice ne vint pas toute seule. elle était accompagnée de sa jumelle, envie. trois sur sept. comme elle voulait être à leur place, la pauvre enfant! elle s'endormait le soir en fantasmant d'être de nouveau la préoccupation première de son père.
et puis l'enfance finit par prendre la route et l'adolescence entra en scène en défonçant la porte. et avec l'adolescence venait colère. quatrième des sept. la petite fille au nom d'étoile devint une jeune femme météore qui n'avait plus rien de sa candeur d’antan. elle était irascible, irritée, remontée contre la terre entière. elle passa de la chiarde nécessiteuse à une pucelle rebelle prête à retourner le monde. plus que de l'attention, elle cherchait désormais de la réaction. bonne ou mauvaise, tout était bon à prendre. regarde papa, je vais me faire baiser par ce mec que je connais pas. regarde papa, je vais faire un plan à trois, à quatre si le voisin est de bonne humeur. regarde papa comment j'ai mal tourné, t'aurai du faire attention à moi quand j'avais encore l'âge d'obéir. mensonges provocateurs avec des airs de vengeance. tout revenait toujours au même problème. tout revenait toujours à la même personne. tout revenait toujours au même manque : l'amour d'un père.
mais c'était si faible, si cliché. l'indocile aux cheveux de jais ne pouvait se résoudre à admettre que sa soudaine volonté d'insoumission venait d'une chose aussi putride, ridicule, banale que des daddy issues. ô elle se croyait au-dessus de ce genre d'atteintes. c'est ce qu'orgueil lui chuchotait à l'oreille. le petit cinquième. il lui disait qu'elle valait mieux que le reste, qu'elle valait mieux que cette vie sourde et sombre à laquelle elle se prédestinait. orgueil n'avait pas toujours tord. parfois il s’avérait même être la voix de la raison. et quand la vingt-et-unième année sonna l'heure d'enfin quitter la maison. orgueil empêcha la jeune fille météore de regarder en arrière. de toute façon, ils ne lui manqueraient pas.
et alors les années noires commencèrent. pendant très longtemps, pour la reine des garces, il fit nuit sur new york. n'avoir nul part où aller, c'était avoir la ville entière comme terrain de jeux. n'avoir aucun projet, c'était rester ouverte à toutes les possibilités. elle traînait avec les délinquants: ceux qui dorment dans des squats et volent de quoi manger dans les supérettes de proximité. elle donnait tout son sens à la vingtaine: avoir l'opportunité de faire le bon choix, mais faire le mauvais quand même. et c'était amusant. du moins pendant un temps.
jusqu'à ce qu'elle se rende compte que c'était pas elle, ça. vipère à la tignasse brune n'était pas faite pour vivre parmi les rats et les déchets de la société. c'était l'arrivée de paresse. et paresse chantait des berceuses qui donnaient envie de trouver un homme riche et stupide et de profiter de lui. paresse donnait envie de quitter la rue qui demandait tellement d'effort. alors c'est ce qu'elle fit. la jeune fille météore devenue une belle femme attira le premier transi d'amour de manhattan dans ses filets comme une veuve noire avec sa proie. l'idée de paresse était simple : devenir une femme trophée et se la couler douce dans les tours d'ivoire de l'upper east side en abusant sans vergogne de l'opulence d'autrui. une vie de velours saupoudrée d'or. mais également une vie qui ne dura qu'un an. car si paresse apportait surabondance et somptuosité, elle ne lâchait jamais la main de l'ennui. et ce dernier n'était pas le bien venu.
alors notre veuve noire fit ce qu'elle ferait de nombreuses fois encore à l'avenir. elle brisa un cœur et prit la fuite. elle les aimait ces montagnes de plaisir, mais elle aimait plus encore le danger. et c'est cette amour qui la conduit devant les portes de l'enfer. mais ici à new york, on l'appelait juste compulsion.
âgée de de vingt-trois ans, des envies de prépotence dans la tête, elle poussa les portes de l'antre de la dépravation. et ainsi naquit le dernier pêché: dans les couloirs sombres de la maison de tous les vices. après gourmandise, après avarice et envie, après colère, après orgueil et après paresse vint la luxure. ça faisait sept sur sept. et luxure murmura un mot. un nom. un pseudonyme pour exciter les envies, dès que le soleil laissait place à la lune.
elle s'appelait estrella. la sensuelle et létale briseuse de cœurs.
désormais, dans le secret de la maison close, elle s'appelerait venus.